Bonjour Julien, tout d’abord un grand merci pour cette interview, c’est un honneur de t'avoir sur NutriSorn.fr.On parle beaucoup de toi dans le milieu sportif pour tes compétences en nutrition, mais qu’en est-il de ta pratique sportive ?J’ai pratiqué de nombreux sports. De la natation, de la course à pieds, de la musculation pendant de nombreuses années, de l’escalade à un niveau compétiteur pendant environ 10 ans et je fais du roller depuis plus de 20 ans. Aujourd’hui mon activité physique est très occasionnelle, je me consacre plus à l’enseignement et à communiquer avec le public, ce qui demande beaucoup de temps. Dans notre société actuelle, il y a un réel besoin d’informations fiables.
Pourquoi cette passion pour la nutrition, et ce besoin de partager tes connaissances ?Actuellement, la nutrition n’est plus spécifiquement enseignée aux étudiants de médecine dans le cursus général. Pourtant, les aliments sont des éléments que l’on met chaque jour dans notre organisme et qui nous permettent de fonctionner. C’est donc du simple bon sens que de comprendre l’importance de l’alimentation pour la santé et la performance physique. Au départ ma famille et mes proches me demandaient des conseils en nutrition, puis ce fut les amis des amis et de fils en aiguilles, le grand public. J’écris donc des livres pour concentrer l’information et la rendre facilement accessible à tous.
Ton dernier livre s’intitule « Gluten, comment le blé moderne nous intoxique ». L’intolérance au gluten (aussi appelée « maladie cœliaque ») est une maladie systémique, c’est-à-dire qu’elle touche tout l’organisme. Les symptômes possibles peuvent être très larges et non spécifiques, ce qui explique pourquoi de nombreuses personnes sont intolérantes au gluten sans le savoir. Actuellement les symptômes les plus recensés sont les suivants : diarrhées chroniques, ballonnements, indigestions, anémie chronique, acidité gastrique/reflux gastro-œsophagien, fatigue chronique, côlon irritable, irritabilité, dépression/anxiété/attaques de panique, douleurs articulaires, ostéoporose, maux de têtes/migraines, dermatite herpétiforme, diabète de type 1, thyroïdite auto-immune de Hashimoto, syndrome de Sjögren, maladie d’Addison, psoriasis, sclérose en plaques. L’intolérance au gluten peut d’ailleurs se manifester par un seul de ces symptômes ! Cela rajoute encore à la difficulté de diagnostic. Il y a aussi de très nombreuses maladies graves qui ont lien fort avec la consommation du blé moderne et dont je parle dans le livre.
Certains sujets sont-ils plus sensibles que d’autres ? (Origine ethnique, facteurs environnementaux)La question est encore le sujet de vastes débats au sein de la communauté scientifique. On sait que les personnes qui ont la maladie cœliaque sont souvent porteuses du groupe HLA-DQ2 ou HLA-DQ8 (qui représente, pour simplifier, des « versions » du système immunitaire). Mais seul une faible partie des gens qui possèdent HLA-DQ2 et HLA-DQ8 deviennent cœliaque, il y a donc un rôle très important joué par l’environnement. L’enquête que j’ai menée en écrivant ce livre laisse penser que c’est le blé moderne lui-même qui est le facteur déclenchant de la maladie.
Si je décide de suivre un régime sans gluten, quels seront les bienfaits sur le court terme et sur le long terme ?Si tu es intolérant au gluten, une alimentation sans gluten protège d’un grand nombre de maladies auto-immunes incurables et de certains cancers du tube digestif. Si tu es sensible au gluten comme Novak Djokovic (tennisman) ou Dana Vollmer (nageuse), alors tu peux augmenter ton endurance, ton énergie, diminuer ton risque de blessures articulaires ou tendineuses et mieux digérer. Novak Djokovic a par exemple explosé ses performances avec un régime sans gluten et Dana Vollmer s’est sortie de blessures chroniques puis a remporté 3 médailles d’or aux jeux olympiques de Londres. Si tu n’es pas sensible au gluten, alors cela peut te protéger de l’apparition de nombreuses maladies qui prennent origine dans l’intestin.
Le gluten c’est beaucoup d’inconvénients, mais n’y a-t-il vraiment aucun avantage, aucun point positif ?Le gluten est un ensemble de protéines (gluténines et prolamines) agencées de sorte à former une espèce de maille très extensible. Ce sont les propriétés du gluten qui confère à la pâte à pain ou à pizza sa résistance et son élasticité. On rajoute par exemple du gluten dans les pains de mie pour en augmenter la légèreté tout en conservant une bonne tenue. Le gluten a donc un intérêt industriel mais aucun intérêt nutritionnel.
Que penses-tu du marché du bio en France ? Est-ce un coup marketing ou y a-t-il vraiment un intérêt pour la santé ?Une étude internationale récente pilotée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et publiée le 13 Juin dernier a confirmé que l’exposition aux pesticides augmentait le risque de certains cancers (lymphomes) et augmentait de manière très significative le risque de maladie de Parkinson. Mes recherches en toxicologie dont je parle dans «
Gluten, comment le blé moderne nous intoxique » révèlent aussi un risque d’augmentation de la perméabilité intestinale ce qui est une porte d’entrée à de nombreuses maladies graves comme les maladies auto-immunes. L’agriculture biologique, même si on y retrouve d’infimes traces de produits chimiques via la contamination par l’eau et les sols, présente donc bien un intérêt pour la santé.
Certains aliments sont-ils à privilégier vraiment en bio ? Au contraire, trouve-t-on des aliments bio à éviter absolument ?Les œufs tout d’abord car la qualité de leurs graisses est très différente avec notamment plus d’oméga-3 et moins d’acide arachidonique (un oméga-6 pro-inflammatoire). Si possible, il faudrait aussi acheter tous les fruits et légumes issus de l’agriculture biologique pour éviter l’exposition aux résidus de pesticides. Ce sont les trois éléments les plus importants.
Pour beaucoup, l’alimentation du sportif et du « sédentaire » doit être totalement différente. Qu’en est-il vraiment selon toi ?Il y a des différences parce que les sportifs ont généralement plus conscience de leur corps et font donc plus attention à leur alimentation. Mais les sédentaires qui essayent de bien manger ont des choix assez proches de ceux des sportifs. Ce qui les différencie vraiment c’est la quantité : l’apport calorique est nettement plus élevé chez le sportif.
Comment vois-tu l’avenir de la nutrition en France dans les 5 prochaines années ? Dans les 20 prochaines années ?Depuis quelques années, j’assiste à l’apparition de deux groupes majoritaires dans la population : les Français qui écoutent sans se poser de questions ce qu’on leur dit dans les grands médias quand il s’agit de santé et de nutrition d’une part, et les Français qui ont pris conscience de l’influence des lobbys et de la gravité des scandales sanitaires (Médiator, OGM, etc) et qui cherchent à comprendre la réalité des choses en passant par d’autres moyens. Je pense que cette scission va continuer de s’accentuer.
Quelles idées reçues t’énervent le plus en terme d’alimentation ? Aucune idée reçue ne m’énerve particulièrement. Si une idée reçue existe, c’est parce que celui qui y croit a été mal informé. Ce qui est énervant est donc le fait que des journalistes ou des personnages publics diffusent des informations fausses parce qu’ils n’ont pas pris la peine de se renseigner auprès d’experts ou parce qu’ils servent un intérêt personnel (qui est souvent financier).
Un dernier petit conseil à donner à nos lecteurs souhaitant améliorer leur qualité de vie et leur alimentation ?N’attendez pas pour prendre votre santé en main et pour apprendre ce qui est bon pour votre corps de ce qui ne l’est pas. La société moderne nous donne l’impression d’être protégé de tout mais c’est une illusion. Si vous attrapez un cancer du poumon à cause de la cigarette, les cigarettiers ne viendront pas à votre chevet à l’hôpital pour vous racheter de nouveaux poumons, et si vos artères sont détruites à cause du Médiator, ni l’agence du médicament ni la justice ne viendra vous rendre des artères neuves.